13 février 1943 : le général de Gaulle s’adresse à Adrien Texier qui est à Washington
A quel point en sont les relations entre la France Combattante et l’administration démocrate de la Maison Blanche? On peut en avoir une idée à la lecture du télégramme que le général de Gaulle adresse le 13 février 1943 à son représentant à Washington Adrien Tixier.
Satisfait que des liens solides soient entretenus en particulier avec Sumner Welles, le Général redit son intention de se rendre aux Etats-Unis afin d’avoir des conversations utiles de proximité avec les autorités civiles et militaires: « Vous pouvez le dire à M. Sumner Welles en ajoutant, ce qui est vrai, que j’ai été vivement impressionné par les entretiens que j’ai eus à Casablanca avec le président et que je suis personnellement convaincu de leur grande utilité ». On se souvient pourtant des conditions irrespectueuses de la convocation de dernière minute du général de Gaulle à la conférence d’Anfa. Le Premier ministre britannique Winston Churchill avait mené une médiation un rien rigide parce que le président américain tenait à ce qu’il y ait une poignée de main très politique entre le chef de la France combattante et le général Giraud.
Prudent et toujours très au fait des subtilités diplomatiques, de Gaulle précise à Tixier: « Il serait nécessaire cependant que le projet de mon voyage ne soit pas ébruité avant d’être établi sur des bases fermes, étant d’ailleurs entendu que je ne serais pas censé l’accomplir sur l’invitation formelle du président puisque celui-ci paraît préférer cela ».
De Gaulle envisage de se rendre d’abord début mars en Afrique puis en Orient afin de rencontrer notamment le général anglais Montgomery, son homologue américain Eisenhower, visiter Djibouti et Madagascar et faire une halte en Afrique équatoriale. Comme il évalue ce déplacement à un mois, il ne pense pas traverser l’Atlantique avant avril. Il ajoute : « D’ici là, M. Eden aura fait lui-même son voyage à Washington et notre mission à Alger aura commencé à travailler et à nous informer ».
Selon son calendrier, Charles de Gaulle estime qu’il aura alors une vue d’ensemble capable de renseigner au mieux le président Franklin Roosevelt. « Les conversations que je pourrais alors avoir à Washington s’engageraient sur des éléments nouveaux par rapport à celles de Casablanca ».
De Gaulle parie sur la pertinence d’une démarche qui consiste à informer directement la Maison Blanche sur la contribution à la guerre de la France combattante. Il tient encore à être très clair avec Roosevelt sur ses intentions futures.
Dans un courrier du même jour adressé à l’amiral Harold Stark alors à Londres, de Gaulle écrit aussi : « Je vous serais reconnaissant de transmettre au président des Etats-Unis l’expression du grand plaisir que j’ai eu à prendre avec lui un premier contact. Ses sentiments d’ardente sympathie à l’égard de la France ne pouvaient que toucher profondément un Français ». C’est le moment que le Général choisit pour glisser en addition ce message très politique à la Maison Blanche : « Je tiens à vous renouveler l’assurance de la volonté du Comité national de consacrer toutes ses forces morales au regroupement de l’Empire français pour la guerre de Libération ».