13 mars 1943 : « Flash » l’attentat raté contre Hitler
La tragédie de Stalingrad, la détérioration générale des positions du Reich, l’intensification des frappes aériennes alliées décident un groupe d’officiers, à renverser Hitler. Ils choisissent la visite du maître du Reich au QG du maréchal von Kluge pour agir
Quel est le projet qui peut sortir Hitler de cette désespérance que ses ministres observent et qui le conduit à apparaître moins souvent en public ? Lorsqu’on évoque devant lui le 12 mars 1943 l’opération « miracle du Donetz » qui est l’ébauche d’une vaste offensive d’été destinée à inverser le rapport des forces puis à porter l’estocade à l’Armée rouge, le Führer encourage cette initiative : « Une grande attaque en plein été est une solution avantageuse pour donner à Staline la seule leçon qu’il mérite, celle qui précèdera sa fin et celle du système bolchévique. Je suis persuadé de la pertinence de ce grand mouvement qui sera fatal à cet ennemi qui ose encore défier le Reich parce qu’il est aveuglé par ses fautes, impatient de recenser toujours plus de morts dans ses rangs ». Comme le maréchal von Kluge invite Hitler à lui rendre visite dans son quartier général installé dans le périmètre de l’agglomération de Smolensk, il accepte enthousiaste l’idée de se retrouver avec les officiers qui administrent la situation en première ligne et rivalisent d’astuces pour gêner les manœuvres de l’adversaire.
De Rastenburg à Smolensk
Il pense que ce voyage est susceptible de redonner le moral aux régiments qui sont mobilisés sur le front de l’Est. Le fait qu’Hitler quitte son propre QG de Rastenburg pour se rendre dans une zone d’affrontement témoigne aussi d’un homme qui, s’il est préoccupé des revers accumulés depuis plusieurs semaines, considère encore qu’il ne s’agit que d’une mauvaise passe. Il ne peut pas effacer l’échec retentissant à Stalingrad qui est la première grande défaite enregistrée par la Wehrmacht depuis le début du conflit. Il sait aussi que les Soviétiques utilisent des prisonniers allemands pour animer une propagande antihitlérienne et inviter les soldats encore au combat à déserter le Reich et à rejoindre s’ils le désirent les rangs communistes. Même Paulus appelle à la fin de la guerre entre les deux pays.
Hitler est plus tourmenté que jamais et les soins que lui apporte le docteur Morell perdent en efficacité. Lorsqu’il se déplace dans son train spécial, il demande la plupart du temps que les rideaux soient tirés. Ce n’est plus l’homme sûr de lui, saluant les foules mais un être tourmenté. Au cours du voyage qui le conduit chez Kluge, le ministre de l’Armement Albert Speer observe le comportement du Führer qui est effrayé par sa réaction lorsqu’il voit des convois de retour du front et constate l’état alarmant des soldats qui sont renvoyés vers l’arrière. Le 13 mars 1943, loin du Berghof il constate le long des quais, que le Reich est fragilisé et que l’Allemagne souffre plus jamais. Alors il s’accroche à ce projet du « Miracle du Donetz ».
Ce qu’il ignore c’est déjà qu’un groupe d’officiers estime qu’il existe une opportunité pour se débarrasser de lui. La proposition qui séduit de plus en plus au sein de la Wehrmacht est que pour sauver l’Allemagne du chaos, il faut neutraliser ou renverser Hitler. Si la manière forte doit être employée, il ne faut pas hésiter. Seul le résultat compte. Seul sauver l’Allemagne d’une annexion par les Bolchéviques s’impose. On n’évoque même pas ici une menace potentielle en provenance de l’ouest alors que les bombardements américains et britanniques s’intensifient sur les métropoles allemandes. Ce qu’espèrent ces premiers conjurés est qu’une fois le Führer hors jeu, le Reich sera en capacité de négocier la paix avec les Anglo-Américains pour mieux combattre ensuite dans le même élan le stalinisme menaçant.
Des déçus du Führer
Ces officiers sont des déçus d’Hitler. Ils sont issus de ces grandes familles de l’aristocratie qui vibraient pour la grandeur de l’Allemagne. Le Führer est à leurs yeux devenu un fossoyeur et son régime conduit à la mise à mort de leur nation. Ils ne peuvent pas l’accepter c’est pourquoi ils préparent l’opération « Flash ». L’Abwehr, les services secrets de l’armée, sont parfaitement au courant de ce qui se fomente pourtant, on ne distingue pas chez l’amiral Canaris une quelconque envie de torpiller la conspiration préparée par deux généraux qu’il a identifiés : Olbricht et von Tresckow. Des financiers soutiennent ce complot et deux banquiers sont également connus des services allemands : Wallenberg et Marcus. Il serait faux de croire que les Britanniques et les Américains ignorent cette révolte de l’intérieur qui excite certains cercles de la Wehrmacht. Le Premier ministre anglais Winston Churchill a reçu une note l’informant de la possibilité imminente d’actions contre Hitler. Allen Dulles qui dirige depuis la Suisse les services secrets américains (OSS) qui travaillent au sein du Reich dispose également d’informations croisées qui attestent que des officiers supérieurs ont décidé de liquider Hitler !
Lorsque l’avion du Führer se pose le 13 mars 1943 près du QG de Kluge, l’opération « Flash » est prête. Encore faut-il l’exécuter. Les conjurés ont préparé plusieurs scénarii : une exécution à bout portant, une élimination associant son entourage au moyen d’une bombe. Ils pensent que deux zones de passage sont favorables à la réalisation de leur plan. Une bombe pourrait exploser dans le quartier général au cours de la présentation du front par le Maréchal ou alors au cours du repas qui est prévu au mess. Pour ce faire des bombes légères ont été fabriquées par des agents de l’Abwehr qui ont répliqué des modèles anglais à mèche lente. Parce qu’il faut faire croire que l’attentat est un acte signé par les Alliés !
Un drôle de cognac
Seulement Hitler a aussi de précieux agents de renseignements au sein de la SS qui place quelques-uns de ses meilleurs personnels comme gardes du corps. Les conjurés observent qu’il n’est pas facile d’approcher le Führer et que ses gardes l’obligent à une mobilité quasi permanente comme s’ils prévenaient toute situation où il constituerait une cible. Plusieurs officiers se portent volontaires pour l’approcher quitte à se faire sauter pour l’éliminer et servir ainsi l’Allemagne. Rien n’y fait. Les conditions de la réussite de l’explosion ne sont pas réunies. Une ultime solution est alors validée. Il s’agit de mettre à bord de son avion une autre bombe qui exploserait lorsque l’appareil serait à son altitude de croisière. Ce scénario présente l’avantage de limiter les dégâts collatéraux comme le remarque, perfide, un colonel. Il ne se dérobe pas et se porte volontaire pour déposer ce cadeau très spécial qu’Hitler devrait apprécier.
Par prudence, les deux bouteilles de cognac qui renferment les explosifs et le système de mise à feu sont confiées au colonel Brand de l’état-major général. Il s’agit soi-disant d’un cadeau à remettre à un général en poste à Berlin. Lorsque la visite s’achève et que le Führer est reconduit au pied de son avion les généraux Olbricht et von Tresckow regagnent leurs bureaux et attendent avec le capitaine von Schlabrendorff que la perte de l’appareil du maître du IIIe Reich soit annoncée. Patatras, la radio de Rastenburg annonce l’atterrissage sans encombre de l’aéronef. Les conjurés sont consternés mais pour éviter d’être découverts et ainsi être en capacité de renouveler l’opération dans les meilleurs délais, ils organisent dans l’urgence la récupération des deux bouteilles, leur découverte pouvant générer une répression sans précédent au sein de l’armée.