14-15 avril 1943 : le sacrifice du lieutenant Mackenzie
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1943, de puissants raids aériens menés par la RAF contre des centres industriels allemands provoquent une mobilisation de la chasse ennemie qui coordonne ses efforts pour intercepter les bombardiers à l’aller et au retour de leurs missions. C’est ainsi qu’après avoir participé à une frappe sur Stuttgart, le Halifax MK II EQ-G du 408e squadron est la cible d’un appareil ennemi près de Reims. Le pilote, le lieutenant australien Ian Mackenzie, 20 ans, choisit de se sacrifier pour permettre aux sept autres membres de l’équipage de sauter en parachute. Il fait le nécessaire pour que son appareil gravement endommagé, ne s’écrase sur un quartier de la métropole marnaise.
Le bombardier s’abîme à proximité du canal de la Marne à l’Aisne à hauteur de La Neuvillette. Cet appareil est l’un des 462 mobilisés dans cette opération de grande ampleur. Il a décollé le 14 avril à 21 h 51 avec une dizaine de minutes de retard en raison d’un petit problème radio pour Stuttgart et c’est à 1 h 20 le 15 qu’il a largué ses bombes d’un altitude de 16 000 pieds. Alors qu’il progresse sur la route du retour, il est vers 3 h 15 au contact d’un chasseur de nuit de la Luftwaffe qui le touche. Un incendie se déclare tandis qu’un trou béant apparaît dans le fuselage. Mackenzie ordonne l’évacuation. Le sergent bombardier T. Coupland est le premier à sauter suivi du sergent mécanicien L. Mackenzie, du sous-lieutenant opérateur radio C. O’Connel, du lieutenant navigateur A. Playfair, du sous-lieutenant navigateur W. McIlroy, du sergent-chef mitrailleur J. Murray, du sergent W. Canter, qui effectue deux missions avec un équipage expérimenté avant de piloter seul en opération. Six des sept membres rescapés vont être faits prisonniers mais le sergent Canter qui s’est fracturé une jambe va être secouru par deux femmes qui lui fournissent des vêtements civils.
Mme Chatelain va mettre le sergent Canter dans la filière d’exfiltration du réseau Comète. Avec l’assistance de la Résistance, il parviendra à franchir les Pyrénées, puis à rejoindre Gibraltar avant de regagner la Grande-Bretagne à la fin du mois de juin. En avril 1972, la maman du lieutenant Mackenzie est venue à Reims sur les lieux du drame et a été accueillie par une population nombreuse et recueillie. Dès le 25 mai 1947, le maire de la Neuvillette devenue depuis un quartier de Reims écrivait à la mère de ce jeune lieutenant courageux et exemplaire: « Votre fils fut le premier aviateur allié dont nos habitants et ceux de Reims eurent la fierté de fleurir la tombe. En dépit des ordres et menaces répétés, l’endroit au cimetière de la Neuvillette où avait eu lieu l’inhumation devint celui d’un pèlerinage. Une profusion de couronnes et de fleurs dissimulait des épitaphes déposées par des mères et des femmes de chez nous ».
Le 25 mai 2005, c’est William MacIlroy qui est revenu en pèlerinage à la Neuvillette et a expliqué son périple. Grièvement blessé, il a été opéré par un chirurgien allemand à l’hôpital Maison Blanche et a bénéficié de l’assistance de Mme Chatelain de la Croix-Rouge dont l’accompagnement a été exemplaire. Il a alors pu rencontrer la fille de cette femme qui l’a réconforté et soutenu pendant sa détention hospitalière. Celle qui est devenue Françoise Hébert avait alors quatorze ans et accompagnait parfois sa maman pendant ses visites aux prisonniers. MacIlroy est devenu après la guerre professeur à l’université de Cambridge. Brillant mathématicien, il s’est alors spécialisé en informatique pour vivre avec son temps et ses travaux ont été très utiles à la Défense. Il est revenu l’année suivante pour un nouveau pèlerinage.