Les fusillés de 14-18 ne seront pas ignorés de l’Histoire
Alors que les programmes des commémorations du centenaire de la Grande Guerre sont en passe d’être finalisés, le gouvernemet a annoncé le mardi 1er octobre 2013 que ces soldats français fusillés « pour l’exemple » en 1914-1918, ne seraient pas des oubliés de l’Histoire. C’est en résumé ce qu’a garantit le ministre délégué auprès du ministre de la Défense chargé des Anciens combattants, Kader Arif, après avoir reçu le rapport d’Antoine Prost, « Quelle mémoire pour les fusillés de 1914-1918? Un point de vue historien », issu d’un groupe de travail qu’il a dirigé en tant que président du Conseil scientifique de la Mission du centenaire de la guerre 1914-1918.
Ce rapport constitue: « une étape dans la définition de la meilleure manière d’aller vers une réintégration dans la mémoire collective du destin de ces hommes », a commenté le ministre avant d’ajouter: « Je procèderai moi-même à des consultations afin d’y introduire tous les avis sur la question dans les jours et les semaines qui viennent ».
Le rapport passe au crible le destins de ces hommes qui, pour certains, éreintés et démoralisés après des assauts meurtriers et improductifs, ont refusé de charger à nouveau, malgré les ordres de leurs officiers. « Aujourd’hui, on compte autour de 600 à 650 fusillés pour des faits relevant de la désobéissance militaire et, en comptant les crimes de droit commun et l’espionnage, 740 environ au total » est-il mentionné dans ce travail très intéressant et qui s’abstient de toute polémique parce qu’il répond à une démarche d’historiens, enseignants-chercheurs.
Les rédacteurs du document autour d’Antoine Prost effectuent une distinction entre les « fusillés » et les « mutins » de l’année 1917. « Une petite trentaine » des 40 à 80.000 mutins ont été passés par les armes. Leur travail corrige des idées reçues centrant le problème sur la seule année 1917 ce qui n’est pas vrai: « le gros des fusillés pour l’exemple, c’est 1914 et 1915 », des condamnations décidées par des Cours martiales au moment de la « semi-panique de la retraite », alors que les troupes allemandes s’approchaient de Paris ». On peut encore y lire: « Les exécutions devaient exercer un effet dissuasif sur la troupe. Elles devaient servir d’exemple , ce qui ne veut pas dire que les soldats exécutés étaient innocents, mais signifie que leur jugement visait aussi à éviter d’autres désobéissances d’autant que l’exécution se faisait devant la troupe ».
Antoine Prost ne veut pas qu’il y ait d’ambiguïté: « Il est arrivé qu’on condamne de véritables déserteurs. Le rapport mentionne plusieurs cas poignants, comme celui de ces quatre soldats condamnés à mort et exécutés, en 1915, pour avoir refusé de remonter à l’assaut, alors qu’ils venaient de s’épuiser dans des attaques meurtrières.
Il est certain qu’un siècle après le début de la Première Guerre mondiale: « un large consensus existe dans notre société pour estimer que la plupart n’étaient pas des lâches » mais de « bons soldats, qui avaient fait leur devoir et ne méritaient pas la mort », souligne le rapport. Antoine Prost se permet d’ajouter un sentiment: « Ils ont eu un moment de faiblesse ou ont craqué. Mais ils se seraient ressaisis ».
Le ministre délégué Kader Arif a salué le discours de Craonne (Aisne) prononcé par Lionel Jospin, Premier ministre, présent à la cérémonie qui avait plaidé en 1998 pour la réintégration dans « la mémoire collective nationale » de ces soldats fusillés par leurs camarades de combat. Il a aussi cité le discours sur le même thème du président de la République Nicolas Sarkozy, en 2008, à Verdun.
Enumérant les différentes « solutions » possibles: « ne rien faire », « une réhabilitation générale » ou une « réhabilitation au cas par cas », Antoine Prost a défendu également la possibilité d’une « déclaration solennelle » qui, selon le rapport, « consisterait pour les pouvoirs publics à affirmer de façon très forte que beaucoup de fusillés, mais non pas tous, l’ont été dans des conditions précipitées, parfois arbitraires ». Cette « mesure symbolique », indique l’historien, doit s’accompagner « de mesures pédagogiques pour expliquer ce qu’a été la Grande Guerre), sans cacher aucune des injustices mais sans se borner non plus à une dénonciation des horreurs de la justice militaire ». Enfin le rapporteur suggère de permettre « la numérisation et la mise en ligne de tous les dossiers des Conseils de guerre, et dans un premier temps, ceux des fusillés ».