Résistance : Geneviève Anthonioz de Gaulle entre au Panthéon

Il faut avoir entendu ses camarades de déportation à Ravensbrück parler d’elle. Elle y était une femme debout malgré les souffrances, toujours disponible pour venir en aide à celles qui n’en pouvaient plus Geneviève de Gaulle-Anthonioz qui nous a quittés en 2002 et dont le chef de l’État a annoncé l’entrée au Panthéon a toute sa vie été une Résistante et d’abord dès le début de la Seconde Guerre mondiale lorsque la France a été occupée. Elle n’a jamais accepté le gouvernement de Vichy, la présence de la Wehrmacht et des nazis. Son implication dans la Résistance dès 1940 et les risques qu’elle prend pour servir la France libre devenue la France combattante font qu’elle est arrêtée par la gestapo, malmenée, emprisonnée et déportée à Ravensbrück. Que ce soit Yvette Lundy, Gisèle Probst, deux déportées marnaises et combien de leurs camarades, Geneviève de Gaulle est pour elles le portrait de la femme exemplaire engagée dont l’humanisme rayonnant est une grâce. Après la guerre, elle est devenue avec la même ardeur une combattante de la misère en prenant en charge, pendant presque quarante ans, ATD Quart-Monde. « Je ne suis pas une héroïne, mais je revendique le terme de résistante. Au fond, entre la Résistance et ATD, il y a un cheminement commun : le refus de l’inacceptable. »
Geneviève de Gaulle est née en 1920. Elle est la fille de Xavier de Gaulle, frère aîné du Général. Elle est étudiante en histoire à la Sorbonne lorsqu’elle rejoint le « Réseau du musée de l’Homme », un des premiers réseaux de résistance parisiens. Dénoncée et arrêtée en 1943, Geneviève de Gaulle est internée la prison de Fresnes avant d’être déportée en janvier 1944 au camp de concentration nazi de Ravensbrück, où elle se retrouve avec Germaine Tillion qui fait aussi son entrée au Panthéon et Marie-Claude Vaillant-Couturier. Pendant toute sa vie, elle a été marquée par cette expérience et est demeurée une femme humble, proche des plus petits. Elle n’a évoqué son parcours qu’à l’automne de sa vie dans un livre poignant « La Traversée de la nuit ».
Mariée à Bernard Anthonioz, haut-fonctionnaire au ministère de la Culture qui a notamment travaillé avec André Malraux,compagnon de la Libéraiotn elle a eu quatre enfants. En 1958, elle fait la connaissance du père Joseph Wresinski, ancien des Jeunesses communistes et aumônier des bidonvilles, qui lui demande d’agir à ses côtés. Il vient de créer le mouvement Aide à toute détresse, qui deviendra ATD Quart-Monde.
Elle accepte et vit pleinement son engagement. Elle confie alors : « Peu à peu, ce que j’apprends des pauvres et des humiliés laboure mon expérience de la Déportation. J’ai essayé, dès mon retour, de l’enfouir au fond de moi pour vivre enfin mon bonheur de femme aimée, de jeune mère, mais tout revient à la surface. » En 1964, après la mort du père Joseph, elle prend la tête de l’association. Grâce à son travail, elle sort les exclus du « camp » selon son expression et les emmène à sa suite, d’antichambres en cabinets. Dans son « rapport Wresinski » publié en 1983, elle dresse un état des lieux accablant de la pauvreté en France.
Neuf ans plus tard, devant le Conseil économique et social, elle dessine, appliquée et avec sens les périmètres de l’exclusion et s’insurge contre « le manque d’ambition de la société » pour l’intégration des plus pauvres. Au printemps 1996, à 76 ans, cette femme si gentille, d’apparence fragile mais forte par son esprit cartésien qui sait interpeller ceux qui regardent ailleurs, plaide, devant les députés, pour ceux « dont la souffrance vaut moins que la nôtre », en faveur d’un projet de loi sur la cohésion sociale qui sera finalement adopté, après bien des avatars, en juillet 1998. « Une aube apparaît, elle est encore bien grise », mentionne-t-elle dans son dernier livre:  » Le Secret de l’espérance ».
En 1998, le président de la République Jacques Chirac l’élève à la dignité de la Grand’Croix de la Légion d’honneur. Elle est la première femme à être élevée au sommet de notre premier Ordre national. Et c’est à ses amis d’ATD Quart-Monde qu’elle dédie cette reconnaissance de la République.