Pierre Laval à la loupe de son histoire
Alors que l’on évoque le soixante dixième anniversaire du procès de Pierre Laval, figure de la collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale, personnage détesté dans l’opinion publique, une biographie publiée en 1987, trois mois avant le procès Barbie, en 2006 est rééditée avec une préface de l’historien Henry Rousso.
Le travail de Kupferman avait été salué en son temps, d’autant que l’auteur avait porté enfant l’étoile jaune et qu’il avait su prendre de la hauteur et consacrer de l’énergie pour réaliser un vrai travail de chercheur. Il n’a pas hésité à poser de bonnes questions : l’homme méritait-il sa réputation de personnage le plus impopulaire de l’histoire de France? Était-il seul responsable de tous les méfaits de Vichy? Que vaut la légende noire dans la mémoire nationale depuis son exécution? C’est sans doute la raison qui a fait que certains ont accusé ou soupçonné l’auteur d’indulgence parce que dans une biographie on n’instruit pas un procès à charge, on essaie de comprendre un personnage, ce qui ne veut pas dire qu’on adhère à ses choix ou à ses retournements.
Henry Rousso a écrit une chose très juste : « Fred Kupferman avait intuitivement compris l’impérieuse nécessité pour les historiens de ne pas succomber aux sirènes de la mémoire. Il leur fallait exercer leur fonction critique aussi bien à l’égard du passé que vis-à-vis du présent, aussi bien sur la période de Vichy en tant que telle que sur la manière dont les contemporains s’en emparaient ».
On retrouve dans ce livre, le Laval des jeunes années, son apprentissage de la vie de 1883 à 1914, sa Grande Guerre, le Laval d’Aubervilliers de 1923 à 1930, le président du Conseil, 1931-1932, son rôle dans la République malade 1932-1934, la phase critique avant le Front populaire, puis une série de chapitres qui montrent la nouvelle ascension d’un Laval condamné après l’armistice et la collaboration à une chute brutale en raison de ses certitudes et de son entêtement. Intéressant.
Fred Kupferman, « Pierre Laval », Tallandier, 672 p., 26,90 euros